Comment reconnaître une édition originale ? Introduction.

Comment reconnaître une édition originale ?

La réponse semble simple, mais elle ne l’est pas toujours...

Entre émissions successives, tirages spéciaux, mentions fictives, papiers de luxe et pratiques éditoriales variables selon les époques, les pièges sont nombreux. On parle par exemple d’édition « pré-originale » quand le texte est paru en partie ou dans sa totalité dans une revue, avant sa publication en volume ce qui était une pratique très courant notamment au XIXe siècle. 

Ce guide a pour but de donner aux bibliophiles débutants des repères clairs, fiables et vérifiables.

  1. Qu’est-ce qu’une édition originale ?

Une édition originale est la première apparition publique d’un texte dans son format livre.

Cela exclut :

  • les prépublications en revue

  • les fragments

  • les tirages d’essai

  • les manuscrits

  • les épreuves d’imprimerie

L’édition originale correspond à la première mise en vente du texte, dans sa forme retenue par l’éditeur.

2. Les indices à repérer sur la page de titre

La page de titre est le premier endroit où chercher :

  • La date d’édition

    Elle doit correspondre à l’année connue de la parution. 

  • L’éditeur

    Certaines maisons ont des pratiques très stables (Gallimard, Grasset, Albin Michel…).

  • La mention “Édition originale”

    Attention, beaucoup de maisons n’indiquaient pas la mention à l’époque.

  • L’absence d’indication de tirage ultérieur

Parfois, des réimpressions sont datées de la même année mais accompagnées de mentions discrètes.

3. Le colophon : la pièce maîtresse

Dans la littérature française (XIXe–XXe siècles), le colophon fournit des informations cruciales :

  • nombre d’exemplaires imprimés

  • détail des papiers : Japon, Chine, Hollande, Whatman, vélin pur fil

  • répartition des tirages

  • exemplaires hors commerce

  • parfois le nom du relieur d’art

Les exemplaires sur papier de luxe sont imprimés avant les exemplaires ordinaires : ce sont les véritables premières émissions de l’édition originale.

4. Les papiers de luxe : un indice de primauté

Dans beaucoup de cas, le vrai premier tirage est celui sur :

  • Japon impérial

  • Papier de Chine

  • Papier de Hollande

  • Whatman

  • Arches

Ces exemplaires étaient numérotés, tirés en très petit nombre (parfois 10, 15 ou 30…), et imprimés en premier.

👉 Un ouvrage sur Japon est souvent “plus original” que l’édition originale ordinaire.

5. Les différences typographiques

Il existe des micro-indices :

  • fautes corrigées dans les tirages suivants

  • pagination changeante

  • différences dans les encarts publicitaires

  • variantes de couverture (couleur du papier, typographie, position du titre)

  • qualité de l’impression (encre plus grasse dans les tout premiers tirages)

Ces détails peuvent faire la différence entre une EO première émission et une EO seconde émission.

6. Les couvertures et jaquettes d’origine

Les couvertures d’époque sont essentielles :

  • papier soufflé

  • papier crème

  • couleurs typiques des éditeurs (Gallimard, NRF, Grasset…)

  • filets, ont été modifiés dans les réimpressions

La présence de la couverture d’origine augmente fortement l’intérêt bibliophilique, même en reliure.

Conclusion

Reconnaître une édition originale demande :

  • une connaissance des usages de chaque éditeur

  • un regard sur la typographie

  • une attention particulière aux papiers de luxe

  • une comparaison avec des exemplaires sûrs

  • et parfois une vraie enquête bibliographique

Mais c’est aussi ce qui fait la magie de la bibliophilie : chaque livre est un mystère à déplier, un objet à interroger, une histoire à retracer.

CONCLUSION ET BIBLIOGRAPHIES DU BIBLIOPHILE

La reconnaissance d’une édition originale ne repose pas seulement sur l’œil, l’expérience et l’intuition : elle s’appuie également sur une série d’ouvrages de référence, utilisés depuis des décennies par les bibliophiles et les libraires spécialisés. Voici les principales “bibles” à connaître :

BRUNET, Jacques-Charles. Manuel du libraire ou de l’amateur de livres. t. I-V (t. VI : tables), Paris, 1860-1878. (Réimpr. 1999). La cinquième édition de cet ouvrage de référence, considérée comme la meilleure.

CAILLET, Albert L. Manuel bibliographique des sciences psychiques ou occultes. Paris, Lucien Dorbon, 1912. (3 vols., 11 648 entrées. Réimpr. 1997, version numérique 

CARTERET, L. Le Trésor du Bibliophile. ; Le Trésor du bibliophile romantique et moderne. 1801-1875. t. 1-4, Paris, 1976.

Du même : Livres illustrés modernes. 1875-1945. t. 5. Paris, 1976 [1re édition : 1948]

LHERMITTE, Marianne et Emmanuel. Recueil bibliographique des principales éditions originales de la littérature française. Paris, Librairie Lhermitte, 2005. (1 vol. in-8, 623 pp.)

MONOD, Luc. Manuel de l’amateur de livres illustrés modernes. 1875-1975. t. 1-2, Neuchâtel, 1992 (pagination continue : 1-1854).

TALVART, H. PLACE, J. Bibliographie des auteurs modernes de la langue française (1801-1974). t. I-XXII, Paris, 1928-1976.

VICAIRE, Georges. Manuel de l’amateur de livres du XIXe siècle (1801-1893). Paris, 1894-1920 (en VIII volumes.)

Clouzot : Guide du bibliophile français moderne (1875–1920)

Pour ne citer que ceux là….

Amusez-vous bien.

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